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Fermeture de Jumia Cameroun : pourquoi le e-commerce ne prospère pas en Afrique?

By Dr DJOUFOUET Wulli Faustin

Email: djoufouet@yahoo.fr

Tel: (+237) 675 763 403/697 199 919

 

 De nos jours, le commerce électronique ou le e-commerce occupe une place incontestable dans le système économique mondial et connaît depuis près d'une décennies une folle croissance. Se passer de ce nouveau canal de distribution serait une erreur commerciale de la part des entreprises pouvant se positionner sur ce canal virtuel. De la même façon que désaprouver totalement ces multiples avantages (commander chez soi, livraison à domicile,...) de la part des consommateurs serait se priver d'un outil très utile dans la vie quotidienne.

Cependant, le constat est désormais clair, les entreprises du e-commerce ont du mal à fonctionner de façon pérenne en Afrique. Comme ses prédécesseurs, la page d’accueil de la première plateforme qui permettait jusqu’ici d’effectuer des achats en ligne est devenue inaccessible depuis ce 18 novembre 2019. D’après nos enquêtes, Jumia, l’entreprise de E-commerce s’apprête à plier bagages du Cameroun et ensuite de la côte d’Ivoire comme elle l’avait fait plutôt au Gabon. L’on apprend que le processus de fermeture avait débuté depuis peu, dans la plus grande des discrétions. Comme les cas Cdiscount en 2016 et Afrimarket en 2018, le cas Jumia est une fermeture de trop et mérite des inquiètes sur l’avenir du e-commerce en Afrique. De nos jours, Internet accouche d’une panoplie de sites de vente et d’achat en ligne. Des boutiques en ligne aux sites de petites annonces, les plateformes e-commerce au Cameroun grossissent et se multiplient. Pour leur part, les commerçants ont migré massivement sur la Toile pour en faire un vrai marché virtuel. Une chose est sûre, le secteur du commerce électronique a le vent en poupe.

Quelques Cas d’échecs du E-Commerce en Afrique

L’implémentation des plateformes e-commerce en Afrique a connu ces dernières années une croissance du nombre d’entreprise du e-commerce. Seulement, ces entreprises ont très vite fait face à de nombreux obstacles. Ainsi, trois cas sont illustratifs : le cas de l’entreprise Cdiscount, le cas AfriMarket et plus récemment, le cas Jumia. 

  • L’échec de Cdiscount en Afrique (fermée en Décembre 2016)

Cdiscount est une entreprise française spécialisée dans le commerce en ligne. Le leader français du commerce électronique avait mis fin à son aventure africaine en 2016, une aventure marquée essentiellement par des difficultés logistiques. Arrivée en Afrique en 2014, le géant français a décidé, six mois après la mise en veilleuse des filiales du Sénégal et du Cameroun de mettre la clé sous le paillasson de sa filiale en Côte d’Ivoire, la dernière encore active sur le continent. En fait, l’échec de cette entreprise était prévisible. Lors de son lancement, le stock de marchandise se trouvait entièrement à Bordeaux. Pour les gros produits, qui venaient par bateau, les délais moyens de livraison ont atteint 36 jours pour les différents pays, avec des dérapages jusqu’à 60 jours. Pour les petits produits qui prenaient l’avion, on accusait parfois 15 jours de retard par rapport l’objectif fixé. Ainsi, certains clients refusaient finalement leur commande en raison des délais. Le Cdiscount souffrait aussi d’un manque de partenariat avec d’autres entreprises implantée en Afrique. Elle avait commis une erreur en mettant de côté le groupe Mercure International, franchisé historique de Casino de Dakar à Douala qui pouvait servir de relais (ou les magasins) dans les supermarchés. Cette première fermeture des entreprises de vente en ligne est perçue par le public comme une injustice. De Dakar à Douala en passant par la capitale économique ivoirienne, c’est surtout le sentiment de ne pas avoir eu le temps de faire ses preuves sur un marché qui demande beaucoup de patience.

  • L’échec de AfriMarket en Afrique (fermée en Septembre 2019)

Comme pour la plupart des starts-up, l'histoire de la start-up AfriMarket ne s’est bien terminée. Afrimarket était une plateforme de vente en ligne qui opérait dans cinq pays africains francophones. A cause des difficultés dans les levées de fonds, l'entreprise spécialisée dans la vente en ligne vient de demander son placement en mise en liquidation judiciaire auprès du tribunal de commerce de Paris. Une décision qui s'est imposée aux fondateurs Rania Belkahia et Jeremy Stoss après que ses nouveaux investisseurs potentiels ne finissent par se retirer du processus de levée de fonds fin juillet 2019.

Cependant, après six années de e-commerce en Afrique de l’Ouest et comptant près de 500 000 clients, AfriMarket avait bénéficié du soutien de l’entreprise Orange en 2015 et avait pu réunir plus 50 millions d’euros dont 20 millions en quatre levées de fonds, le reste en concours bancaire et en réinvestissement de chiffre d’affaires. A partir de 2018, alors que la société atteignait un chiffre d’affaire de 30 millions d’euros, ses fondateurs ont cherché à lever 20 millions d’euros supplémentaire pour renforcer sa croissance. Ainsi, deux investisseurs vont se montrés particulièrement intéressés, mais après huit mois d’audit de pré-levée des fonds, ils ont renoncé à investir au milieu de l’été 2019. C’est la chute libre d’AfriMarket. AfriMarket qui était devenue à la fois une marketplace, une plateforme de paiement en ligne et de logistique, avec ses livreurs sa flotte de véhicules ; ferme en laissant environ 400 employés en Afrique centrale et en Afrique de l’ouest.

  • La récente fermeture deJumifermpoureuree 18 Novembre 2019)

Comme Cdiscount ou Afrimarket, Jumia est des entreprises de vente en ligne qui ont fait couler beaucoup d’encre et de salives. Malheureusement, elle a aussi fermé les portes. En fait, Jumia Cameroun, filiale locale du groupe de vente en ligne Jumia, est dans un processus de liquidation, comme il ya environ un an au Gabon. Le processus aurait débuté depuis un certain temps et la fuite est venue des employés qui se sont vus notifier la fin de leurs contrats de travail. La raison officielle de cette décision de fermeture reste attendue.

Selon nos investigations, le marché africain du e-commerce reste encore non rentable. Ainsi, cette décision de Jumia cherche à sauvegarder désormais les intérêts de ses investisseurs, notamment après sa récente introduction sur la Bourse du New York Nasdaq. Selon les informations que nous avons recueillies auprès d’un responsable de cette entreprise à Douala (Cameroun), malgré une hausse de ses revenus de près de 40% du chiffre de ses ventes, le groupe a vu ses performances financières plombées par de grosses charges. Elle a terminé les 9 premiers mois de 2019 sur une perte de 163,4 millions d’euros.

Cette Nième fermeture des entreprises du e-commerce au Cameroun est un coup fatal pour ces populations qui, peu à peu intégraient le commerce en ligne dans leurs habitudes. Aussi, dans son aventure, Jumia est entré en relation avec de nombreuses PME de la distribution, qui ont eu l’occasion de se développer via sa plateforme. La chute de Jumia risque d’entraîner la leur. De nombreuses autres entités se livrent à des activités d’e-commerce sur les marchés locaux. Leur capacité à occuper le vide que laisse Jumia reste à déterminer, chose qui pourrait entrainer, pour un bon moment, la disparition totale du e-commerce dans certaines parties de l’Afrique.

Les causes principales de l’échec du e-commerce en Afrique

Alors que de belles avancées en matière de commerce électronique sont observées ici et là, l'Afrique n'a pas encore réussi à mettre en place un écosystème lui permettant d'exploiter toutes ses potentialités. Le e-commerce en Afrique nécessite beaucoup de patience et des capitaux importants. Cdiscount, Afrimarket et Jumia, ces entreprises de commerce en ligne semblent n’avoir pas retenu la leçon. Par ailleurs, plusieurs autres raisons peuvent, selon nous expliquer ces faillites récurrentes des entreprises de ventes en ligne en Afrique.

  • La culture africaine du e-commerce : le secteur du e-commerce en Afrique est encore à son stade embryonnaire à cause du faible accès à Internet. Les africains n’ont pas encore, pour la plupart intégrés la culture des opérations électroniques dans leurs mœurs.  A cause des arnaqueurs de tous les côtés, le manque de confiance a pris le dessus. La cybercriminalité est en effet répandue en Afrique, notamment avec les « brouteurs ». Ainsi, les consommateurs ont des réserves avant de rentrer leur numéro de carte bancaire sur Internet. Un frein important au développement de l’e-commerce en Afrique est donc le manque de confiance qu’ont les consommateurs envers ces plateformes.  Au Cameroun par exemple, Jumia enregistrait régulièrement de nombreuses plaintes des clients. Celles-ci portent essentiellement sur la mauvaise qualité de certains produits achetés. La faute aux manquements affichés par certaines boutiques partenaires locales.
  • Les charges publicitaires énormes : l’une des raisons qui peuvent expliquer les chutes brutales du e-commerce en Afrique est que,  le modèle de ces start-up repose d'abord sur une très grande prise de risque. En réalité, le e-commerce, extrêmement prometteur en Afrique, n'a pas encore délivré toutes ses promesses et se heurte encore à des complexités opérationnelles qui finissent par peser dans le bilan comptable. Par ailleurs ces start-up investissent énormes sur le marketing sans pourtant générer de bons résultats.
  • Les délais de livraison jugés longs: le bien acheté sur l’une de ces Start-up était rarement livré à l’instant et pouvait prendre des jours, voir des semaines. Le besoins du client restant donc insatisfait peut à tout moment changé. Pour cette raison, ces Start-up enregistraient au moment de la livraison des refus catégorique des clients puisqu’il existait une possibilité de payer à la livraison. Selon l’un des responsables de Jumia Cameroun que nous avons rencontré, certains clients refusaient finalement leur commande en raison des délais de livraison trop longs.
  • Le défaut  de qualité des biens achetés: plusieurs clients que nous avons s’interrogés disent avoir été déçus par la qualité du produit livré. Selon eux les entreprises du e-commerce font très souvent du « faux », elles ne livrent pas toujours la qualité du produit commandé ou exposé sur la plateforme. Ce comportement maladroit a été à l’origine de la perte de confiance totale. Or, la confiance est un élément essentiel pour une transaction en ligne et un investissement à long terme. Elle a été reconnue comme une composante principale, permettant d’exploiter le potentiel qu’offre l’e-commerce et un facilitateur du e-commerce.

 

 

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